CORINE LEPAGE :

ANCIENNE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, AVOCATE À LA COUR ET PRÉSIDENTE DE HUGLO LEPAGE ASSOCIÉS 

Le 26/03/2018

Dans cette ITW, Corine Lepage, Ancienne ministre de l’Environnement, Avocate à la cour et Présidente de Huglo Lepage Associés revient sur tous les sujets qu’elle abordera au forum RESET du 10 avril prochain. Ainsi, elle nous fait part de ce nouveau statut à l’étude « l’entreprise à mission », de la nouvelle notion de transition juridique. Elle nous parle également du mouvement des entrepreneurs de la nouvelle économie qu’elle co-préside et de la déclaration universelle des droits de l’humanité qu’elle promeut. Sa présence sera l’occasion de faire un bilan sur tous ces sujets et d’illustrer les problématiques par des exemples concrets. 

La Responsabilité des entreprises évolue, on parle d’un nouveau statut « l’entreprise à mission » ?

La Responsabilité des entreprises évolue en effet et se retrouve interpellée dans un projet appelé «L’entreprise à mission» qui serait un statut qui mettrait sur un même pied d’égalité la performance économique et la contribution au bien commun.

D’après un sondage Viavoice, HEC, et Prophil – via des entretiens avec 623 dirigeants et des études de cas – les contours des entreprises à mission, et la place qu’elles occupe(ro)nt en France. Premier enseignement: 15% des dirigeants sondés estiment que leur activité remplit les critères pour prétendre au statut d’entreprise à mission, et 48% estiment que ce modèle devrait rapidement faire des émules. Mais pour cela, encore faut-il que ces «critères» aient un socle juridique! C’est le souhait de 68% des sondés, qui souhaitent attirer l’attention des pouvoirs publics à ce sujet.

 

Justement on parle de transition économique, écologique, numérique et maintenant juridique ? 

Effectivement, il y a une Commission méditerranéenne de réflexion prospective sur la Transition Juridique qui s’est constituée il y a un an et demie sous l’égide de la Ville de Marseille, et plus particulièrement sous l’impulsion de Jean Charles Lardic (directeur de la prospective et rapporteur de la commission) et du Barreau de Marseille suite à la MedCOP de Tanger en 2016.

Cette Commission a pour objet de s’attaquer à l’obsolescence de certains cadres réglementaires et législatifs au regard des diverses transitions civilisationnelles qui se profilent, en proposant aux Etats des réformes et des innovations juridiques indispensables à certaines innovations sociétales, souvent portées par les acteurs locaux.

En effet, l’économie du partage et de la fonctionnalité, le bénévolat, et tout ce qui tend à créer des synergies et des solidarités locales, entre souvent en contradiction avec les cadres juridiques existants qui protègent naturellement les modèles de pensée et d’action dominants, cloisonnés, centralisés et mondialisés, imprégnés de technologies et de consommation de ressources.

Le premier Rapport, présenté lors de la COP 22 et de la COP 23, formule des propositions très concrètes en ce sens. Il a été soutenu par quelques philosophes ou personnalités de renom comme Edgar Morin, Patrick Viveret ou Jean Jouzel.

Pour continuer d’alimenter sa réflexion et ses propositions, la Commission est ouverte à tous les acteurs (particuliers, entreprises, associations, voire administrations) qui peuvent apporter des exemples de blocages juridiques rencontrés par leurs initiatives vertueuses, et qui souhaitent s’associer à cette dynamique de Transition Juridique. 

Vous êtes aussi Co présidente du MENE (le mouvement des entrepreneurs de la Nouvelle Economie), pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Tout a commencé en 2015, lorsque qu’un groupe de travail que j’ai dirigé a été missionné par Ségolène Royal, alors Ministre de l’Environnement, du développement durable et de l’Energie, pour définir l‘Economie du Nouveau Monde, en identifier les obstacles et imaginer les solutions pour la faire émerger.

La création du MENE constituait une des recommandations dudit rapport remis en juin 2015 à Mme Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, du développement durable et de l’Energie.

Co-présidé par Myriam Maestroni et Corinne Lepage, le Mouvement rassemble depuis de nombreuses entreprises et fédérations professionnelles de secteurs et de tailles très divers, qui ont pour point commun, la conscience que l’activité économique a des conséquences et des externalités, positives et négatives sur l’Humain, la société et l’environnement Le réseau rassemble 10000 entreprises directement et indirectement de tout secteur confondus qui veulent conjuguer croissance et fonctions environnementales, sociales et sociétales.

Vous êtes aussi à l’origine de la promotion de la déclaration universelle des droits de l’humanité.

L’idée est de créer un texte acceptable par les 195 états des Nations unies tout en marquant un véritable progrès. Cette déclaration a vu le jour désormais et nous aspirons à la faire adopter.

Elle n’est pas une convention et n’aura pas de caractère contraignant pour les États qui l’adopteront.

C’est donc une première étape, comme l’a été il y a trente ans la Déclaration des droits de l’enfant qui a ensuite donné lieu à la Convention des droits de l’enfant vingt ans plus tard. De même la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 n’est qu’une déclaration mais elle a imprégné notre droit depuis un demi-siècle.

Il ne s’agit pas de remplacer les textes existants mais de bâtir un texte complémentaire fixant des droits et des devoirs non plus individuels mais collectifs.

Cette déclaration propose notamment de créer une interdépendance entre les espèces vivantes, d’assurer leur droit à exister et le droit de l’Humanité de vivre dans un environnement sain et écologiquement soutenable.

Nous sommes conscients que ce n’est qu’un bout du chemin. Si cette convention était adoptée, elle servirait donc d’abord de principe éthique. L’étape suivante sera de voir comment sanctionner les manquements à ces principes, mais ce n’est pas l’étape actuelle.

De manière globale, elle rappelle :

– 4 Principes (Principe de responsabilité, d’équité et de solidarité mais aussi de dignité, de continuité et de non-discrimination)

– 6 Droits : La Déclaration proclame un droit à un environnement responsable, équitable, solidaire et durable et à la préservation des biens communs.

– 6 Devoirs : Des devoirs qui visent à assurer la pérennité de la vie sur terre tout en veillant au respect des droits de l’humanité et de l’homme.

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