LAURE-AGNÈS CARADEC :
PRÉSIDENTE DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC D’AMÉNAGEMENT EUROMÉDITERRANÉE
Le 14/10/2016
Laure-Agnès Cadarec, vous êtes la présidente de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée (5300 entreprises, 37 000 emplois, 7 milliards d’investissements), dans cet ITW vous nous expliquez quels sont les enjeux spécifiques que pose la RSE pour un aménageur, les leviers que vous pouvez actionner, les actions RSE concrètes conduites au sein de votre établissement, et concluez par votre vision du plus grand défi à aborder en matière de RSE pour l’avenir.
Quels sont pour vous les enjeux spécifiques que pose la RSE pour un aménageur ?
Pour un acteur tel qu’Euroméditerranée, qui aménage la ville de demain sur un périmètre de 480 ha au cœur de la Métropole Aix-Marseille Provence, avoir un positionnement ambitieux en matière de RSE est une manière de concilier stratégie d’entreprise et stratégie de territoire. Notre stratégie de territoire, celle qui est portée par notre gouvernance qui associe l’Etat, la Ville de Marseille, la Métropole, le Département et la Région, gouvernance qui démontré sa capacité à rendre possible de grandes ambitions depuis 20 ans, c’est celle d’une EcoCité.
La particularité de notre EcoCité, c’est qu’elle se veut démonstratrice, innovante et très performante dans tous les domaines de la ville méditerranéenne durable. Il est donc naturel d’avoir la même ambition, d’une part au quotidien en tant qu’entreprise publique, d’autre part en essayant d’entraîner dans cette logique vertueuse les entreprises qui naissent ou qui s’implantent sur le territoire que nous développons.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’actions RSE qui sont conduites au sein de l’établissement public ?
Cela fait plusieurs années que l’établissement, qui réunit une cinquantaine de collaborateurs, met en place des actions vertueuses allant dans le sens de la RSE de l’établissement public.
Ainsi depuis déjà l’année 2000, une large palette d’actions couvrant le champ des moyens généraux et de l’informatique (contrôle des consommations énergétiques, véhicule hybride, recyclage des matériels et des fournitures, tri sélectif, utilisation de produits écologiques, mobilier éco-responsable…) a été déployée mais le déménagement en 2015 dans un immeuble neuf particulièrement performant d’Euromed Center a été l’occasion pour l’établissement de structurer sa démarche RSE et de s’inscrire notamment dans le parcours performant et responsable en PACA. Cette démarche est aujourd’hui pilotée par une équipe-projet très impliquée qui souhaite mobiliser les équipes vers une dynamique et des actions nouvelles sur lesquelles nous travaillons actuellement comme la mobilité (éco-partage, visio-conférence), le soutien aux actions du samu social, la dématérialisation, …
Quels sont les leviers du métier d’aménageur pour contribuer à sa politique de RSE ?
La qualité environnementale et la question des impacts sociaux sont dans l’ADN même de l’EcoCité que nous portons sur l’ensemble de l’opération depuis 2009, symbolisée par le slogan « low cost, easy tech ». Nous recherchons en permanence, dans nos réalisations et dans celles de nos partenaires, notamment les promoteurs, des solutions qui combinent ambition et performance environnementale et adaptation à la réalité sociale et économique des utilisateurs du territoire, habitants comme entreprises.
Dans nos métiers, les normes ont beaucoup évolué ces dernières années et nous poussent à être toujours plus vertueux : règlementations thermiques des constructions, prise en compte des impacts environnementaux des projets, etc. Notre ambition, c’est bien d’aller au-delà de ces normes tout en maîtrisant les coûts pour tous les acteurs et le prix pour les utilisateurs finaux.
Si on doit citer quelques exemples emblématiques, il y a bien sûr la nature en ville et de la biodiversité, domaine dans lequel Euroméditerranée porte de nombreux projets, depuis le futur parc de la Porte d’Aix, qui s’élèvera à la place de l’ancienne pénétrante autoroutière jusqu’à la généralisation des alignements plantés dans le secteur d’Arenc, en passant par le grand parc urbain des Aygalades qui s’étendra à terme sur 14 ha, et dont la première portion verra le jour d’ici 2020. Il y a aussi le travail de fond que nous menons sur la mobilité, en accompagnant le développement des transports en commun : le tramway jusqu’à Arenc, le métro jusqu’au pôle d’échanges multimodal du Capitaine-Gèze, la place laissée aux modes doux avec une conception des espaces publics qui font la part belle aux piétons et aux vélos ou encore le stationnement mutualisé pour réduire la place de la voiture.
Dans un autre registre, Euroméditerranée porte depuis sa création une ambition très forte en matière d’emploi. Plus de 10 000 emplois nets directs ont été créés depuis 20 ans sur le territoire de l’opération, avec un effet économique et social qui touche l’ensemble de la métropole.
Quel est à votre avis le plus grand défi à aborder en matière de RSE pour l’avenir ?
Le défi, c’est sans aucun doute l’effet d’entraînement sur les usagers du territoire, dont je pense que c’est en outre un facteur d’appartenance très fort pour les nouveaux quartiers que nous créons. Se dire qu’on s’engage dans des gestes ou des pratiques à impact positif et que notre voisin ou l’entreprise de l’étage d’au-dessus le fait aussi, ça rapproche et ça donne envie d’aller plus loin.
L’enjeu pour Euroméditerranée, dont le rôle d’aménageur s’arrête au moment où il a réalisé les voiries et les espaces publics et où il a vendu les terrains aux développeurs, c’est d’inscrire son ambition dans la durée. Et pour cela, il faut d’une part concevoir des espaces qui incitent à des usages vertueux et d’autre part trouver des relais, qu’ils soient publics, privés ou associatifs, qui se portent garants de l’ambition initiale.
Je vais prendre deux exemples. En matière de mobilité, nous généralisons les pistes cyclables dans les voiries que nous livrons. Mais si nous n’incitons pas les promoteurs à développer des locaux vélos bien conçus et sécurisés, aussi bien dans les immeubles de logements que de bureaux, elles seront probablement sous-utilisées.
Autre sujet, en matière de développement économique et d’emploi : en tant qu’aménageur, nous rendons possible la création de surfaces de bureaux et d’activités, nous visons ainsi à terme la création de 40 000 emplois au total. Mais nous avons besoin de relais pour que ces emplois du territoire soient connus et pourvus, tant pour les entreprises elles-mêmes que pour les habitants actuels et futurs de ce territoire. C’est pourquoi, même si c’est en frange de notre mission principale, nous avons depuis longtemps des partenariats avec Pôle Emploi et avec la Cité des métiers par exemple.
L’activité du BTP, très dense sur notre périmètre d’intervention, va se poursuivre cette année et dans les années à venir par les travaux d’aménagement des ZAC Cité de la Méditerranée et St Charles. Dans ce contexte, l’établissement public a souhaité inscrire l’ensemble de ses chantiers dans une démarche de retour à l’emploi, des chômeurs de longue durée, allocataires du RSA, jeune public non diplômé, … qui résident dans les 1er, 2ème, 3ème, 14ème et 15ème arrondissements, dans les métiers du BTP, du gardiennage et de l’entretien de locaux par l’insertion à travers la mise en œuvre, sur ses chantiers, d’une clause de promotion de l’emploi au titre de l’article 14 du Code des marchés publics.
Pour mettre en application cette politique volontariste, Euroméditerranée a choisi de confier, depuis 2010, à l’association Emergences, une mission d’assistance afin de décliner cette ingénierie d’insertion des clauses sociales auprès des différents acteurs.
Depuis 2010, plus de 70 000 heures d’insertion ont été contractualisées.
Notre rôle d’ensemblier nous permet dans l’absolu d’agir sur de nombreux leviers sociétaux, mais rien n’est possible si nous agissons seuls. C’est pourquoi nous travaillons en lien étroit avec de très nombreux partenaires à l’échelle métropolitaine et accordons tant d’importance à répondre aux besoins de tous les utilisateurs de notre territoire, actuels et futurs.