ERIC PERRET :

COACH DEPUIS 10 ANS, CO-DIRECTEUR DU CABINET RENAISSANCE 

Le 28/09/2014

Eric Perret, vous êtes coach depuis 10 ans, co-directeur du cabinet Renaissance spécialisé dans le coaching individuel et d’équipe. Vous êtes très engagé au travers du CJD, de Femmes 3000, du PLIE, du CREPI, de la Mission Locale, et vous venez de sortir un livre intitulé « Osez l’amour de soi – au travail aussi ! » chez InterEditions. Vous découvrirez dans cet ITW si « l’amour de soi » est compatible avec l’entreprise, qui elle, doit jouer collectif ?

Est-ce que s’aimer soi, ce n’est pas être égoïste ou égocentrique, ne penser qu’à soi, à l’encontre des comportements, notamment collectifs, dont a besoin l’entreprise ?
Amour de soi et entreprise, seraient-ils donc compatibles ?
Mais comment apprendre à s’aimer, existe-t-il un mode d’emploi ?

Eric Perret, qui êtes-vous ? 

Je suis moi !

J’ai 58 ans, je suis marié, j’ai deux enfants, j’habite Marseille. 

J’ai travaillé vingt ans en entreprise dans des fonctions de Direction commerciale et Marketing au sein de grands groupes et de PME, Kodak, Extand, Quo Vadis et OGF/PFG, avant de modifier la trajectoire de ma carrière professionnelle pour aller vers quelque chose de plus « humain », de plus personnel et certainement de plus exigeant vis-à-vis de moi.

J’ai l’habitude de dire que mon métier est aujourd’hui de desserrer les nœuds qui se créent dans l’esprit des personnes, des équipes et des organisations, afin de libérer les envies et les énergies, de se sentir plus à l’aise dans le monde compétitif, tendu et complexe dans lequel nous sommes, et de développer durablement les performances – c’est donc un service d’utilité publique et universelle !. J’accompagne, individuellement et collectivement, des dirigeants, des managers, des comités de direction vers plus de fluidité, de cohésion et d’efficacité.

J’ai eu un engagement fort au CJD (Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise) où je me suis beaucoup investi sur la diversité – actuellement je travaille sur le lien entre les jeunes et les aînés -, j’en ai également auprès de Femmes 3000 ; je fais du parrainage au PLIE Emergence(s) et auprès de la Mission Locale et anime un atelier (être soi en entreprise) sur le projet Bâtisseur d’avenir du CREPI.

Est-ce que s’aimer soi, ce n’est pas être égoïste ou égocentrique, ne penser qu’à soi, à l’encontre des comportements, notamment collectifs, dont a besoin l’entreprise ?

Je pense au contraire que c’est tout à fait l’inverse. Pour comprendre cela, je vous propose de partir des évolutions du monde dans lequel nous vivons.

Nous sommes passés en quelques décennies d’un monde que nous pourrions qualifier de « compliqué », c’est à dire qu’il exigeait beaucoup de savoir-faire technique, des process, de l’organisation, de l’expérience – il fallait (re)construire le pays – mais il était prévisible, protecteur, moins « rapide » et plus facilement quantifiable et maîtrisable que celui d’aujourd’hui qui est devenu « complexe ».

Nous sommes aujourd’hui dans un monde tendu, compétitif, fait d’incertitude et d’immédiateté, un monde dans lequel il n’est plus possible d’avoir une maîtrise globale de ce qui nous entoure, un monde en transformation continue, accélérée, avec des causes et conséquences multiples et croisées, des incohérences et une grande masse d’information disponible dans l’instant. 

Ce monde avance inexorablement et bouscule beaucoup de chose sur son passage. Il provoque des changements continuels de repères, des incompréhensions face aux situations nouvelles, le sentiment de subir les événements, de ne plus maîtriser ce qui se passe dans notre vie : qui aujourd’hui peut dire ce qu’il fera dans 3 ans, dans 5 ans ? Dans quel environnement externe et interne il évoluera ? Avec qui ? ; en vérité, peu de personnes. Je pars d’ailleurs du principe que nous n’avons pas la maîtrise de 90 à 95% des évènements qui impactent directement ou indirectement notre vie. Ceci surprend toujours beaucoup les personnes et les équipes que j’accompagne lorsque je leur donne ce pourcentage, et pourtant ! 

A contrario notre responsabilité et notre grandeur en tant qu’être humain consiste à accepter cet état de fait, « rien n’est permanent sauf le changement » disait déjà Héraclite (philosophe grec, – 540 à – 480 avant JC), et à user pleinement de ces 5 à 10 % restants qui correspondent à tous nos choix et décisions pour tendre vers ce que nous voulons être et faire de notre vie. La question principale devient alors, comment, dans un monde incertain, non maîtrisable et non prédictible, parvenir à tracer un chemin – le nôtre – qui nous permettra d’accéder aux zones de bonheur, d’amour et d’épanouissement dont nous disposons tous.

Par peur du vide ou par un non alignement avec nous-même, nous cherchons à vouloir tout maîtriser dans notre vie, à nous imposer absolument aux autres, à tout réussir, à nous chercher des modèles absolus, ce qui ne peut créer en nous que de la frustration, de la jalousie, du stress, de la tension, de la rancœur et du mal-être ; car cela est structurellement impossible à réaliser. Une conséquence inconsciente de cette impossibilité est alors un repli sur soi, sur sa personne, entraînant de l’égoïsme – ne penser qu’à soi -, de l’égocentrisme – penser que le monde tourne autour de soi -, et de l’égotisme – le culte du moi.

Être en amour de soi – dans un amour inconditionnel, profond et sincère-, permet de (re)prendre le contrôle de sa vie pour avancer le plus à l’aise possible dans ce monde complexe. Etre bien avec soi est indispensable pour être pleinement disponible, dans un amour fécond et équilibré vis à vis des personnes qui nous entourent et que nous avons envie d’aimer. C’est une juste posture qui nous permet de ne pas avoir besoin d’ériger ces barrières de protection que nous dressons couramment devant nous. Savoir donner sans rien attendre en retour – et être serein durablement avec cette posture -, savoir savourer tous les instants de la vie, savoir prendre de la hauteur sur soi tout en étant exigeant à bon escient, développer son estime et sa confiance de soi, aller vers là où nous avons profondément envie d’aller, être bien avec les autres et avec la Vie sont des avantages que nous procure l’amour de soi.

Nous sommes là bien loin d’une posture d’égoïsme. Notre civilisation aura même de plus en plus besoin de ce lien d’amour que chacun créera avec lui -même, puisqu’il enrichira et transcendera à son tour son lien avec les autres. Le collectif y gagnera grandement.

Amour de soi et entreprise, seraient-ils donc compatibles ?

Ils ne le sont absolument pas d’un premier abord. Notre culture de performance privilégie la rationalité absolue. L’entreprise n’est pas un monde propice aux émotions et aux sentiments qui sont jugés comme détournant trop des objectifs de résultats. Même si des tentatives existent, au travers entre autre de la RSE et du bien -être, la finalité de n’importe quel chef d’entreprise n’a jamais été – et ne sera jamais – « l’amour de soi » de ses salariés. J’ai même envie de dire heureusement car il pourrait y avoir des effets pervers très forts.

Je situerai beaucoup plus « l’amour de soi » comme un moyen pour aller plus loin, que comme une finalité. L’entreprise est confrontée de plein fouet au monde complexe dont nous venons de parler. La compétition, à une échelle qui la dépasse largement, l’incertitude grandissante, la non prédictibilité d’évènements très impactant pour son futur, les décisions, contraintes et contradictions de tous ordres avec lesquelles le dirigeant, les managers et les salariés doivent composer seront d’autant plus « absorbées » par les êtres humains – ce qu’ils sont avant tout, que derrière toutes ces fonctions, responsabilités et statuts, se trouve une personne bien avec elle-même.

Je pense qu’une personne stressée, sous tension continue, en mal-être, même formée et experte, ne sera jamais aussi efficiente qu’une personne bien dans sa peau. Un groupe, qu’il soit un comité de direction, une équipe de managers, un service, ne sera jamais aussi efficace que si les personnes qui le compose sont capables d’encaisser facilement les aléas, les crises, les succès et les échecs propres à la vie de l’entreprise. Cela demande une force collective mais aussi individuelle indéniable qui tient ses racines dans cet amour de soi.

J’ai croisé beaucoup de structures où ces dires qui paraissent simples sur le papier – et sont en général peu contestés – ne se traduisent pas dans la vie quotidienne. C’est comme si chacun, trop centré sur l’immédiateté opérationnelle, se faisait un malin plaisir à contre carrer cette loi par peur, par manque d’incitation de son environnement, par manque de compétence « humaine » et de prise de hauteur sur soi et sur les situations. Compétitions internes, repli sur soi, non prise en compte de l’autre, anxiété, peur du changement, règnent en maître au détriment de l’essentiel, l’énergie à déployer vers l’externe (marchés, clients, fournisseurs …).

Ce fait largement observé est accentué par un autre phénomène, l’entropie, une loi universelle qui nous enseigne qu’un système perd inexorablement de son efficacité si sa « mécanique » n’est pas entretenue et revisitée régulièrement ; or est-ce aujourd’hui une des préoccupations majeures des dirigeants ou des managers ? Je n’en suis pas si sûr. Il ne faut pas oublier également qu’une entreprise est la somme d’un grand nombre de systèmes, qu’ils soient individuel (la personne) ou collectif (un groupe ou des groupes), qui s’imbriquent entre eux continuellement ; l’ensemble dépend alors de la faiblesse de ses maillons les plus fragiles ou les plus tendus, prêts à casser s’ils ne sont pas consolidés. Cela signifie deux choses : premièrement, que les bonnes intentions et actions initiales s’estompent vite si elles ne sont pas suivies d’effets réguliers, deuxièmement, que l’entreprise est une chaîne de maillons interdépendants qu’il faut renforcer en continu.

Je crois qu’une des forces capable d’entretenir et de développer cette énergie positive dont l’entreprise a besoin dans la durée, est justement celle de l’amour de soi.

Que chacun dispose d’un socle personnel minimum pour affronter les obstacles et aléas inévitables, pour se remette en question, pour se mettre plus en position de coopération qu’en position de compétition, pour avoir moins peur d’un lendemain incertain et moins peur des autres, font partie des vertus de l’amour de soi. Un groupe vivra d’autant plus facilement que chacun des membres qui le compose sera en position d’ouverture à soi, aux autres, aux idées et au futur. 

A ce titre, amour de soi et entreprise me semblent largement compatibles. 

A mon avis, la RSE (la Responsabilité Sociétale des Entreprises) devrait s’intéresser davantage à cette nouvelle dimension que nous pourrions qualifier d’« Etre-bien », dimension qui va bien au-delà du (simple) « Bien-être ».

Mais comment apprendre à s’aimer, existe-t-il un mode d’emploi ?

Non, il n’existe pas de mode d’emploi à suivre à la lettre, ni de kit tout prêt ; il faut a minima une réelle volonté d’avancer dans cette direction en acceptant le fait que cela ne soit pas un chemin linéaire ayant une fin rapide. « Il n’y a que dit 30 cm entre le cerveau et le cœur, mais c’est le chemin d’une vie » disait Mère Teresa (1910 -1997).

Dans le livre « Osez l’amour de soi – au travail aussi ! », je balise un modèle-chemin (dénommé « Aimez-Vous » constitué de 8 étapes et de 3 balises-repères pour apprendre à être bien avec soi-même. Ce chemin crée un lien dynamique entre 11 notions, dont les noms sont connus de tous, mais dont les significations précises et la nature du lien qui les relient, sont souvent approximatifs pour beaucoup d’entre nous (l’estime de soi, l’acceptation de soi, l’idéal de vie, la confiance en soi, le leadership, les projets de vie …). Ce chemin n’est qu’un modèle. Il a le mérite d’être un support pour avancer dans sa propre réflexion, mais comme tout modèle, il n’est pas une fin en soi.

Il part du principe que la personne la plus importante au monde à nos yeux doit être nous-même ! Qui d’autre que nous passera autant de temps avec nous ? Qui d’autre que nous nous sera fidèle de notre naissance à notre départ de cette terre ? Qui d’autre que nous est capable de nous apporter durablement amour, bonheur et épanouissement, ce à quoi nous avons tous droit ? Personne d’autre que nous en réalité, car chacune des personnes qui nous entoure a déjà son propre « chemin » à accomplir et ne sera présent qu’un temps donné de notre vie. Mais cette réalité est le plus souvent masquée, enfouie, car elle vient percuter directement nos morales et nos principes d’éducation. Alors pour avancer malgré tout, nous érigeons des protections, des certitudes, nous nous inventons des faux besoins ; et c’est justement là où le bât blesse, car ces attitudes nous déconnectent de notre « Soi » profond, nous laissant piloter par notre « égo » – ce petit « soi hypertrophié » qui vient prendre la maîtrise de notre « être ». Cet « égo » a soif de pouvoir, de paraitre, de possession, de réussite, tout ce qui n’entraîne le plus souvent que jalousie, frustrations, individualisme, fermeture et mal-être, que nous « réussissions » ou non.

Sortir de cet « égo », nous permettra de revisiter notre parcours de vie, nos échecs et nos succès, nos peines et nos joies, avec des lunettes plus appropriées et plus justes, « l’important n’est pas ce que l’on vit, mais comment on le vit » disait également Héraclite (ou comment passer du « subi » au « voulu »).

Etre bien avec soi, être plein de soi – dans une sens de plénitude- signifie pouvoir s’ouvrir plus facilement aux autres et à la vie dans un rapport authentique, équitable. Je donne mais je n’attends rien des autres en retour, je ne cherche plus à compenser, à masquer quelque chose, à vouloir m’imposer à tous prix ou à me cacher. Ainsi je reçois beaucoup, je sais profiter pleinement de l‘instant présent, je me pose moins de questions liées à mes peurs et mes angoisses, je ne cours plus après des chimères, je me sens à la fois plus léger et plus profond, j’élargis mon champ des possibles, je vis mieux la gestion de mes contraintes versus la satisfaction de mes besoins – l’éternel dilemme ! – au sein de mes nombreuses identités, de parent, d’enfant, de conjoint, d’ami, d’expert, de responsable professionnel …, je suis plus exigeant avec moi-même mais dans une exigence qui m’amène vers là où j’ai envie d’aller, que j’aurai pris soin de définir au préalable – c’est d’ailleurs la 1ère étape du modèle. A partir de ce moment, je suis en chemin pour me rapprocher de mon essentiel, vers là où je me sentirai profondément bien, « deviens qui tu es » disait Friedrich Nietzche (philosophe allemand, 1844 – 1900).

Je développe ainsi mon niveau de conscience et j’accrois mon rayonnement car la force de l’amour de soi est contagieuse et généreuse.

Je vous propose une dernière citation qui m’inspire pour emprunter ce chemin, « s’aimer soi est le sommet de la sagesse humaine » (Montaigne, écrivain-philosophe français, 1533 – 1592).

« Osez l’amour de soi – au travail aussi ! »

Auteur : Eric Perret, coach en entreprise
Préface de Françoise Cocuelle, présidente nationale du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise (2004 – 2006), dirigeante d’E.Grille
Ont contribué à cet ouvrage :
Alain Campredon, théologien, chargé d’études ;
Caroline Couturier, coach, co-gérante du cabinet Renaissance ;
Stéphane Duret, associé du cabinet Novem Management, ex DRH du groupe Bull ;
Philippe Girard, fondateur et animateur des Trophées RSE PACA ;
et Hélène Dalbin, Mélanovas, pour les schémas.
Editeur : InterEditions (Dunod) – 19 Euros TTC – sortie le 1er octobre 2014.

Ouvrage disponible dans toutes les librairies et sur internet.
www.osezlamourdesoi.com
www.renaissance-conseil.com ; eric.perret@renaissance-conseil.com

A lire également