LAURENCE BRETON-KUENY :
DRH DU GROUPE AFNOR
Le 16/04/2012
Laurence Breton-Kueny, vous êtes DRH du Groupe AFNOR (1231 salariés dont 280 à l’international pour 128 millions de chiffre d’affaires), vous participez à des travaux de normalisation sur la RSE (ISO 26000), la gestion des ressources humaines (ISO TC 260), la santé au travail. et êtes auteur de nombreux ouvrages. Vous nous dites pourquoi le monde avance vers la RSE (thématique de notre plénière à laquelle vous avez participé), nous expliquez en quoi consistera la future norme TC 260 ( norme sur la manière de gérer les ressources humaines), vous revenez sur la différence d’approche des entreprises québécoises et françaises pour traiter la santé au travail, vous nous faites part de vos travaux menés sur la continuité d’activité dans les RH au sein du Club de Continuité d’Activité.
En savoir plus sur vous…
Pouvez-vous nous expliquer en quoi le monde avance inexorablement vers la RSE ? (ce qui a été la thématique de notre plénière du 23 février à laquelle vous avez participé…)
Effectivement, le monde avance inexorablement vers la RSE car cela constitue une nécessité pour un développement soutenable au regard de l’état des réserves naturelles, des matières premières, de la pollution et de ses impacts sur la santé, ….
Rappelons la définition de la responsabilité sociétale qui figure dans la norme ISO 26000 (novembre 2010) :
« Responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement se traduisant par un comportement éthique et transparent qui
- Contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ;
- Prend en compte les attentes des parties prenantes ;
- Respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ;
- Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. »
La responsabilité sociétale s’inscrit dans une démarche de consommateurs de plus en plus responsables, des consommateurs qui pourront, grâce à l’ensemble des normes actuelles ou en-cours, savoir ce qu’ils achètent grâce à l’ « affichage environnemental », à l’« affichage social », et choisir en connaissance de cause. Les entreprises bénéficieront, quant à elles, des travaux normatifs sur les achats responsables. C’est un retour positif vers une conscience de l’importance de son impact dans ses choix de vie et de consommation auxquels les entreprises devront répondre. Plus nous avançons et plus j’ai confiance en l’avenir que nous bâtirons ensemble pour nos descendants.
Vous avez participé à la conférence de Washington comme membre de la délégation française, sur l’Iso TC 260 qui a pour vocation, à la demande des Etats-Unis, de mettre en place une norme internationale sur la gestion des ressources humaines. Pouvez-vous nous en dire un peu plus et comment la RSE y est développée ?
La norme ISO 26000 contient sept questions centrales portant sur la responsabilité sociétale dont cinq sont reliées aux ressources humaines au travers de la gouvernance des organisations, des droits de l’homme, des relations et conditions de travail, de la loyauté des pratiques, de la communauté et développement local. Aujourd’hui les travaux de la future norme ISO TC 260 s’articulent autour de la gouvernance (la place à accorder au sujet du capital humain dans les instances de gouvernance), le business impact (la mesure de l’impact des choix de l’organisation sur le capital humain), les pratiques en matière de ressources humaines et enfin les modèles opérationnels permettant un management socialement responsable. La délégation française a porté le thème de la gouvernance, et obtenu la création d’un groupe de travail sur le sujet. Cela représente une avancée car tous en France, Henri Lachmann le premier, dans son rapport sur « bien-être et efficacité au travail » reconnait l’importance de l’implication de la direction générale et de son conseil d’administration.
Vous vous inspirez des avancées québécoises au travers de leur norme « prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail » dans votre entreprise, vous avez d’ailleurs co-écrit un livre « 100 questions sur la santé et bien-vivre au travail » sur le sujet, que constatez-vous et en quoi la prise en compte de la santé par les entreprises québécoises diffère-t-elle de celles des entreprises françaises ?
Les Québécois ont 10 ans d’avance sur nous en raison d’une sensibilité plus importante sur le sujet du capital humain tout en ayant une approche économique, avec une situation démographique différente (moins de jeunes sur le marché de l’emploi) et surtout avec un moteur que représente Roger Bertrand, ancien ministre du travail Québécois. Le sujet d’une démarche globale en santé a réussi à être rassembleur, car tous ont à y gagner : la personne dont l’entreprise prend soin au travers d’une politique proactive de santé au travail, l’entreprise avec une diminution de ses coûts de non santé et enfin l’Etat dont les coûts en terme de santé public diminuent.
En France, le sujet intéresse et une expérimentation est en-cours dans le Sud-Ouest. Je suis convaincue que l’ensemble des parties prenantes travailleront un jour sur une norme française sur le sujet pour définir une démarche volontaire. L’exemple du Québec et la démultiplication des démarches de santé globale ainsi que la mesure (1 dollar investi dans la santé au travail permet de gagner de 2.75 à 4 dollars) est porteur d’espoir, car prendre soin de son capital humain contribue à la performance sociale, élément indispensable pour disposer d’une performance économique durable.
Vous êtes aussi une spécialiste en continuité d’activité dans les RH, concept assez méconnu. Pouvez-vous nous dire en quoi il consiste ?
La continuité d’activité permet à une entreprise d’être à nouveau en situation opérationnelle le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions après une crise, quelle qu’en soit l’origine. La réalisation d’un plan de continuité d’activité contribue à mieux gérer la période pendant laquelle l’entreprise, affectée par un risque, peut être amenée à réaliser ses activités en mode dégradé. Trois types de risques existent en lien avec les trois ressources principales de l’entreprise : les ressources humaines, les ressources matérielles (moyen de production, locaux) et enfin les ressources financières.
Les risques en matière de ressources humaines concernent à la fois le risque impactant le capital humain : pandémie, absentéisme majeur (volontaire ou non), conflit, et celui lié aux activités de la fonction Ressources Humaines et pouvant générer une situation de crise comme la perte de données informatiques (fichiers personnels, paye, congés…).