ANDRÉ DESCAMPS :

PRÉSIDENT DE LA CPCAM MARSEILLE   

Le 07/05/2013

André Descamps, vous êtes président de la CPCAM Marseille (Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie), Président de la commission Emploi et Développement Economique et représentant FO au CESER PACA (Conseil Economique Social et Environnemental Régional). Suite aux diverses auditions réalisées vous revenez dans cette interview sur le constat que vous faites de la situation de l’emploi des jeunes et des raisons qui l’expliquent…

Quel est le rapport sur lequel vous travaillez ? 

Le CESER conscient de la nécessité de mobiliser fortement les acteurs publics et économiques pour favoriser et mieux accompagner les jeunes dans l’emploi quelle que soit leur qualification, s’est interrogé à partir d’un diagnostic régional non exhaustif sur l’évolution des parcours des jeunes vers l’emploi et sur leur insertion professionnelle en entreprise. Il importe de préciser que ce diagnostic n’a pas pour vocation de reconsidérer les questions d’éducation et d’orientation même si elles sont capitales pour permettre aux jeunes de se qualifier et d’optimiser leurs chances d’accéder à un emploi pérenne. Il a pour vocation de faire un constat pour que nous puissions apporter des propositions concrètes lors de notre prochain avis qui sera rendu à la Région à la réunion plénière du mois de juin 2013. 

Quel est le constat de la situation de l’emploi des jeunes en France ? 

Il faut noter qu’en France chaque année, plus de 150 000 jeunes investissent le marché du travail alors qu’en Allemagne par exemple la population active baisse de 98 000 personnes. 

Selon l’INSEE la situation de l’emploi au plan national se traduit en 2011 par un taux de chômage élevé chez les jeunes actifs de moins de 25 ans avec un taux moyen de 22 % soit plus du double de la moyenne des actifs. Ce taux de chômage des jeunes en France est plus élevé que dans beaucoup de pays européens en raison de la faiblesse du taux d’emploi des jeunes (31%) du fait essentiellement de l’allongement de la scolarité et des difficultés d’insertion professionnelle des jeunes peu ou pas diplômés. Cette donnée doit cependant être interprétée avec précaution .En effet la DARES précise que si l’on rapporte le nombre de jeunes à la recherche d’un emploi à l’ensemble de leur classe d’âge (y compris ceux en cours d’études ) la part des jeunes de 15 à 24 ans au chômage en France est d’environ 9%.

Quel est le constat de l’emploi des jeunes sur notre Région ? 

Le chômage des jeunes est vécu avec plus d’acuité en Paca : un quart de la population active des jeunes en Paca est au chômage et près de 42% dans les ZUS. Selon la DARES en février 2012, PACA comptabilisait 37.600 jeunes de moins de 25 ans demandeurs d’emploi.

Ce qui représente, une part de 13,6% des personnes inscrites. Mais en prenant en compte, les personnes inscrites en catégorie A, B, C*, il y a en réalité 48.600 jeunes au chômage en PACA, soit une hausse de 4,2% sur un an en 2011 (contre 3,4% de hausse pour la moyenne nationale) et + 5,6% en 2012.

3 Habitants sur 10 ont moins de 25 ans en Paca avec les caractéristiques spécifiques et paradoxales en termes de formation suivantes :

  • Des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme avec un taux plus élevé que la moyenne nationale (soit 21% en 2008)
  • Des jeunes très qualifiés
  • D’importantes fractures territoriales avec des taux de chômage des jeunes deux fois supérieurs à la moyenne régionale dans les zones dites sensibles et rurales
  • l’Insertion professionnelle des jeunes est moins facile en PACA qu’en France : En effet 74 % de jeunes sont en emploi trois ans après leur sortie du système éducatif contre 77 % en France 
  • le diplôme protège toujours du chômage même s’il ne garantit pas l’emploi 
  • la filière de la formation influe sur l’insertion tout comme l’origine sociale et le sexe  
  • l’alternance et en particulier l’apprentissage constitue un atout pour l’accès à l’emploi  
  • Il n’existe pas un seul mais plusieurs processus d’insertion pour les jeunes 

En effet : 

il n’existe pas de relation systématique entre la spécialité de formation et l’emploi : moins de la moitié des jeunes exercent un emploi lié à leur formation !

les jeunes les moins diplômés sont les premiers touchés par les CDD non choisis avec des conditions d’emplois moins favorables dès le 1er emploi et une précarité plus longue (32% des non diplômés au chômage trois ans après leur sortie contre 7% en France)

  • plus de filles sont en situation de précarité même si elles sont plus nombreuses à être diplômées que les garçons (avec des trajectoires d’accès rapides et durables à l’emploi pour 56% des garçons et 50% des filles)
  • les diplômés du supérieur sont plus souvent au chômage en PACA qu’en France : ainsi, 9% des diplômés du supérieur sont au chômage 3 % après leur sortie contre 7% en France avec un déclassement et une majorité de CDD pour l’entrée en emploi 
  • la crise exacerbe les difficultés observées avec de fortes disparités toutefois selon les niveaux de diplôme et filière et les territoires.

Concernant la demande d’emploi des jeunes, fin Août 2012 sur 372230 demandeurs d’emploi (catégorie A) 49665 étaient des jeunes de moins de 25 ans : chiffre en forte progression de + 6,7% en un an (selon les données réactualisées) 

L’évolution de la demande d’emploi des jeunes est cependant moins forte en Paca que pour les autres tranches d’âge, mais elle est plus élevée dans les départements du haut pays et concerne davantage les jeunes femmes.

Les jeunes restent moins longtemps inscrits à Pôle Emploi que les autres tranches d’âge mais avec un taux plus fréquent de réinscriptions (les moins de 25 ans s’inscrivent majoritairement suite à une fin de contrat) ce qui est à mettre en parallèle avec la précarisation lors de leur entrée dans la vie active (CDD successifs, intérim).

Les jeunes sans formation ou n’ayant suivi qu’une formation courte sont sur représentés (dont 46 % de niveau V, 7 % de niveau V bis et 3 % de niveau VI. les niveaux V et IV représentent en effet près des 2/3 

Sur les jeunes demandeurs d’emploi : 40 % sont non qualifiés 

Le taux de sortie des jeunes reste plus important que les seniors 

En résumé quels sont les principaux impacts positifs et négatifs sur l’emploi des jeunes ?

Pour les impacts positifs :

– le niveau de diplôme 
– la filière de formation
– l’alternance (et notamment l’apprentissage) 
– le secteur d’activité 

Pour les impacts négatifs :

– l’absence de qualification et de diplôme
– l’origine sociale, territoriale et le sexe (dans une moindre mesure)
– le manque de réseaux 
– les difficultés d’accès aux droits sociaux en termes de logement et de mobilité notamment 

Quels sont les secteurs d’emplois où l’on retrouve le plus de jeunes ?

La moitié des jeunes sont employés dans les 5 secteurs d’activité à dominante tertiaire : Le commerce, la vente, le tourisme, les services du secteur social et médico- social et l’encadrement et certains métiers en tension (métiers qui ont la plus forte difficulté de recrutement) dont principalement :

– l’Hôtellerie et la restauration (notamment métiers de service)
– Les métiers du sanitaire et social (infirmiers aides à domicile) et de l’animation 
– L’ingénierie (industrie, informatique)

Près des 2/3 des demandeurs d’emploi se positionnent sur les métiers du commerce, le bâtiment hôtellerie/ restauration les transports et la logistique et les services à la personne. 

Le rapport des jeunes au travail a-t-il changé ? 

D’après nos auditions, il semblerait que cela ne soit plus discutable et il faut pour comprendre ses origines remonter dans les années 80 au moment où la dégradation de l’emploi des jeunes a commencé à partir de cette période les jeunes ont été considérés comme des variables d’ajustement par les grandes entreprises.  

Ensuite le prolongement des études et l’augmentation des diplômés en raison de la démocratisation de l’enseignement a entraîné une concurrence entre les jeunes diplômés.

Enfin les mutations du travail et de l’emploi ont impacté fortement la relation jeune/Entreprise : avec une certaine défiance vis-à-vis de l’entreprise considérant qu’elle ne leur donne pas assez leurs chances lors du premier emploi et qu’elle n’est pas assez sécurisante. 

Quelles en sont les conséquences ?

Les jeunes aspirent à concilier de plus en plus vie professionnelle et vie personnelle mais pour la majorité d’entre eux le travail reste une priorité et une préoccupation majeure pour accéder à leur autonomie et s’insérer dans la société.

La demande des jeunes privilégie en termes d’emploi et de statut le salariat et le fonctionnariat notamment chez les diplômés mais on constate une tendance des jeunes en faveur de l’auto entreprise. En revanche les professions libérales et artisanales rencontrent un problème de visibilité et d’attractivité notamment parce que certaines professions appartenant à ces secteurs sont méconnues ainsi que les emplois qui en dépendent 

La situation est aggravée pour les jeunes sortis du système scolaire sans qualification en particulier pour ceux qui vivent sur des territoires en difficulté (ZUS et arrière-pays) Il devient difficile de les repérer et donc de les réinsérer dans un parcours de formation d’autant qu’ils vivent de plus en plus dans des conditions de précarité et que certains ont recours à des pratiques souvent en rupture avec la légalité pour avoir des revenus.

Quel est le rôle de la région dans la mise en œuvre des emplois d’avenir ? 

La Région Paca bénéficiera en 2013 de 7744 postes (hors Education Nationale)

Le Conseil régional a signé le 30/10/12 une convention d’engagement Etat/Région pour mobiliser et coordonner leurs actions afin de contribuer au succès du dispositif. Cet engagement qui a pour objectif d’apporter une réponse qualitative et adaptée pour chaque jeune et structure accueillante porte sur 2 volets visant à accompagner : 

  • La formation des jeunes à travers notamment la mobilisation de son dispositif ETAPS (espaces territoriaux d’accès aux premiers savoirs) et les CFA et la création d’un dispositif IRIS Emploi d’avenir qui permettra de formaliser un véritable contrat de continuité professionnelle pour un montant dans un premier temps de 500000€ dans le cadre d’une convention récente avec UNIFORMATION 
  • Les structures employeurs en termes d’organisationnel et de RH afin de favoriser l’intégration des jeunes et la pérennisation des emplois

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