MARIE-CHRISTINE KORNILOFF :
DIRECTRICE DÉLÉGUÉE AU MONDE ÉCONOMIQUE AU WWF FRANCE
Le 02/06/2015
Marie-Christine Korniloff, vous êtes Directrice déléguée au monde économique au WWF France, vous lancez le projet Medtrends (projet pour mieux comprendre la « croissance bleue » en Méditerranée), dans cet ITW vous nous expliquez entre autre en quoi il consiste et quels sont les résultats attendus. Vous revenez sur vos autres projets régionaux et le type de collaboration que vous entretenez avec vos partenaires.
Pouvez-vous nous présenter le WWF en quelques mots ?
Fondée en 1951, le WWF est l’une des toutes premières organisations indépendantes de protection de la nature et de l’environnement dans le monde. Avec un réseau actif dans plus de 100 pays et fort du soutien de 5 millions de membres, le WWF œuvre pour mettre un frein à la dégradation de l’environnement naturel de la planète et construire un avenir où les êtres humains vivent en harmonie avec la nature, en conservant la diversité biologique mondiale, en assurant une utilisation soutenable des ressources naturelles renouvelables et en faisant la promotion de la réduction de la pollution et du gaspillage.
Le WWF agit et propose des solutions pour réduire l’impact des activités humaines sur la forêt, les océans ou encore le climat. Notre approche consiste à nous concentrer sur les matières premières renouvelables dont l’exploitation menace des zones sensibles en termes de biodiversité. Ces cinq dernières années, le WWF a contribué à l’entrée sur le marché de programmes de certification solides pour six matières premières importantes comme le FSC pour le bois et le papier par exemple.
D’autre part, le WWF bénéficie d’un fort capital sympathie et d’une grande notoriété. En effet, d’après un sondage IFOP de 2014, pour un tiers des Français, le WWF est l’ONG la plus impliquée en France pour l’environnement. 88 % des français connaissent le WWF et 92% en ont une bonne opinion.
Pourquoi engager le monde économique ?
Car les acteurs économiques sont un outil pour faire avancer une cause de manière globale. Bel sur le soja, Carrefour sur l’alimentaire, La Poste sur le papier, sont autant d’acteurs influents pour faire évoluer les filières de marché, les habitudes de consommation et la société dans son ensemble. Le WWF privilégie cet effet d’entraînement parce que les entreprises sont durables.
C’est pour impulser ce changement que le WWF a recentré son travail d’influence envers les entreprises sur trois grandes thématiques :
- L’approvisionnement et la consommation responsable qui inclut un travail sur l’économie certifiée et l’économie circulaire, comme le recyclage. Avec pour priorité, les acteurs de l’alimentaire et de la grande distribution concernés par l’action du WWF sur le soja, l’huile de palme, la pêche, l’aquaculture, le bois.
- L’économie décarbonée et la ville durable qui comprend la promotion des énergies renouvelables, la réduction de la consommation d’énergie et le développement d’infrastructures capables de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Autant de domaines sur lesquels la France est en pointe pour faire évoluer la ville de demain.
- La finance responsable, troisième grand volet, pour orienter les investissements vers une «économie verte».
Quel type de collaboration entretenez-vous avec vos entreprises partenaires ?
Chaque entreprise ayant des enjeux et des besoins spécifiques, nous développons une approche différenciée en fonction de sa taille, son secteur d’activité ou son impact environnemental. Chaque partenariat doit être gagnant-gagnant et apporter à la fois un bénéfice (image, économique, expertise…) pour l’entreprise et permettre d’obtenir des résultats pour la protection de la nature.
Nos principales approches sont :
- La coopération environnementale (expertise du WWF afin d’encourager les pratiques responsables et vertueuses)
- Le produit partage (communication avec le logo du WWF : packaging, campagne de sensibilisation)
- Le mécénat (soutiens financiers afin de contribuer aux programmes du WWF)
Les petites entreprises peuvent quant à elles, rejoindre le Club PME du WWF afin d’intégrer un réseau d’entreprises partenaires réunies par une même volonté de contribuer à préserver l’environnement.
Quels sont les programmes de terrain que vous avez sur la région PACA ?
Depuis plus de 12 ans, le WWF s’investit en Méditerranée pour la protection des écosystèmes marins en se concentrant sur 4 axes de conservation :
- L’étude et la protection des cétacés
- Le développement et l’amélioration du réseau des Aires Marines Protégées (AMP)
- Les dangers de la pollution
- La pêche durable
Depuis 2007, ce travail a véritablement pris une dimension collective grâce à l’Initiative Méditerranéenne Marine développée conjointement par tous les bureaux du WWF de la région. L’objectif affiché : développer un double réseau de sites pilotes au travers des Aires Marines Protégées et des pêcheries durables avec co-gestion écosystémique.
Aujourd’hui, la superficie des Aires Marines Protégées ne couvre que 1 % de la surface des mers (4 % avec le Sanctuaire Pelagos qui n’est pas vraiment une AMP), ce qui est bien loin de la recommandation de 10 % faite par la Convention pour la Diversité Biologique en 2010.
L’Initiative pour la Méditerranée vise donc à encourager les acteurs impliqués dans la protection marine à considérer la conservation de la biodiversité marine comme une priorité politique, économique, sociale. Il s’agit aussi de faire en sorte que les AMP deviennent enfin cet outil indispensable à la gestion durable des écosystèmes marins.
Vous avez lancé le projet Medtrends, en quoi consiste-t-il ?
Le projet Medtrends, cofinancé par le Fond Européen de Développement Régional, est un projet pour mieux comprendre la « croissance bleue » en Méditerranée. Il rassemble 8 pays : la France, La Croatie, Chypre, Italie, Grèce, Malte, Slovénie, Espagne.
MedTrends met en évidence les impacts du développement économique méditerranéen sur le milieu marin. En effet, la plupart des activités économiques vont se développer de façon substantielle sur les 20 prochaines années : parcs éoliens, extraction pétrolière et gazière, cablages, trafic maritime, pêche et autres activités comme le tourisme.
Quels sont les résultats attendus de MedTrends ?
Le projet va permettre de cartographier les scénarios de croissance économique les plus probables des secteurs évoqués précédemment au niveau transnational pour les 20 prochaines années et de mettre en évidence les futurs « points chauds ». Ces « points chauds » peuvent être des zones où la pression des activités humaines sur les éco-systèmes sera trop forte pour permettre d’atteindre le bon état écologique et/ou les futures zones de conflits entre secteurs économiques.
Par exemple, une grande partie des eaux de la méditerranée sont concernées par des contrats liés à des explorations de pétrole ou de gaz ; ces recherches se font notamment dans des zones à fort risque sismique au large de la Grèce et de Chypre et augmentent le risque de marée noire. Le projet MedTrends permettra de cartographier précisément ces zones.
D’autre part, la Méditerranée concentre déjà 25 % du trafic maritime mondial, alors qu’elle représente moins de 1% de la superficie globale des océans. Pourtant le transport maritime va encore s’intensifier dans années à venir et fait peser de nombreuses menaces sur la biodiversité marine.
Pourtant, la valeur économique des services rendus par l’éco-système marin est inestimable ?
En effet, une récente étude du WWF, réalisée en collaboration avec le Boston Consulting Group révèle que le Produit Marin Brut annuel (calculé de la même manière que le PIB national) placerait les océans au septième rang des économies mondiales grâce à une production annuelle de biens et de services évaluée à 2 500 milliards d’US dollars. La valeur globale du patrimoine océanique est quant à elle estimée à 24 000 milliards d’US dollars, une valeur sans commune mesure avec celle des plus grands fonds souverains.
Mais cette étude montre aussi que cette richesse océanique fond à vive allure à cause de la surexploitation, des mauvaises pratiques et du changement climatique.
Quel message souhaitez-vous adresser aux adhérents de notre newsletter ?
J’invite tous les chefs d’entreprise à faire évoluer leur politique environnementale vers plus de durabilité. Les entreprises doivent être profitables mais ne doivent pas oublier que leurs activités ont souvent des impacts négatifs sur l’environnement qui peuvent justement menacer leur rentabilité et même leur pérennité. La Méditerranée est un enjeu majeur pour le WWF où nous allons multiplier nos actions et nous devons le faire avec le secteur économique.