ARNAUD GROFF :

PRÉSIDENT DE LA PLATEFORME D’INNOVATION COLLABORATIVE LA FABRIQUE A INNOVATIONS

Le 27/05/2014

Arnaud GROFF, vous êtes directeur du cabinet INOVATECH 3V mais surtout Président de la plateforme d’innovation collaborative LA FABRIQUE A INNOVATIONS qui industrialise en France les meilleures idées de la communauté active sur votre site et qui s’est fixée comme responsabilité sociétale de tout faire pour promouvoir durablement la culture de la créativité et l’innovation industrielle en France.

Vous êtes un spécialiste de l’innovation ?

Spécialiste je ne sais pas mais passionné c’est certain. En effet, j’ai eu la chance de disposer d’un cofinancement pour réaliser une thèse de doctorat à l’ENSAM Paris sur les processus d’innovation et de créativité dans l’industrie automobile il y a 15 ans. Depuis, grâce au CJD et à l’IHEST, grâce aux entrepreneurs que je rencontre dans le cadre de mes missions de conseils en management de l’innovation, j’ai eu la chance de poursuivre mes expérimentations, rencontres à travers le monde pour découvrir et comprendre les pratiques opérationnelles de la « vraie » innovation. C’est cette prise de distance avec l’environnement 100% universitaire, 100% grandes entreprises qui m’a permis de porter une autre vision de l’innovation et de la créativité, plus humble, plus pragmatique et moins élitiste. Mes derniers ouvrages défendent une approche plus collaborative et modeste de l’innovation et j’espère que mes engagements et les investissements que j’ai fait permettront de donner envie à beaucoup d’autres d’explorer cet axe riche de l’innovation collective.

Vous avez décidé d’implanter une fabrique RSE sur Marseille, expliquez-nous votre projet ?

En effet, nous avons décidé d’innover en innovation il y a 3 ans. Nous étions frustré de voir tant de porteurs de projets qui ne trouvaient pas de réponse dans les dispositifs de soutien à l’innovation car leurs projets n’étaient pas assez hi-tech, ou pas protégeables, ou encore, la seule réponse que nous leur donnions était de créer une entreprise pour porter le projet. Et en parallèle mon métier de consultant me permettait de constater que les entreprises devaient se recentrer sur l’innovation au quotidien et qu’elles n’avaient pas forcement le temps et les moyens de générer de l’innovation produit tous les jours. Ajouter à cela le fait que nous nous sommes rendu compte que nous restions le seul pays à vouloir forcement transformer des inventeurs en chef d’entreprise, nous avons identifié un besoin. Dès lors mes associés et moi-même avons décidé de mobiliser nos économies pour créer un écosystème qui permet aux meilleures idées des internautes d’être industrialisées dans des entreprises françaises avec un partage des gains équitables entre toutes les parties prenantes. Ainsi, nous avons créé LA FABRIQUE A INNOVATION qui est une plateforme numérique de co-innovation et un fab lab intégré qui permet de développer avec nos designers et les internautes les innovations produits made in France. La force de cette plateforme reste la diversité et l’envie de partager nos compétences et les gains

Pourquoi Marseille alors que vous aviez eu des propositions dans d’autres régions ? 

Trois raisons principales :

1/ Scientifique : Les résultats des derniers travaux nous ont démontré que le « terreau fertile » à l’innovation se compose d’une diversité socio-culturelle, d’un lieu qui favorise l’échange et d’un lieu ou la jeunesse est une force vive

2/ Humaine : les acteurs du développement économique et social se sont mobilisés très rapidement et ils ont su nous convaincre de tester l’implantation à Marseille. Aujourd’hui nous travaillons avec eux pour pérenniser cette implantation dans l’écosystème de la métropole et créer de l’emploi durable sur le territoire.

3/ Opérationnelle : un lieu ou l’on retrouve une diversité de petites et moyennes entreprises mais aussi avec un accès rapide depuis 75% des territoires de France.

Pourquoi les entreprises ont tellement de difficultés à innover ? 

Aujourd’hui la France a développé une mono-culture de l’innovation. Cette culture techno-centrée de l’innovation prend racine dans les structures d’enseignement supérieur. Ce qui est gênant c’est que ¾ des innovations en Allemagnes sont non-technologiques et qu’aujourd’hui sur le terrain nous avons déjà amorcé le changement. Il est important que nos élites se synchronisent avec les réalités de nos territoires et des besoins des 83 % des TPE/PME françaises. De manière globale, il y a une contradiction avec la volonté de trouver des solutions standards de promotion de l’innovation quand nous savons que l’innovation est tellement multiforme qu’il vaut mieux travailler sur la promotion et la régulation des démarche d’innovation plutôt qu’une volonté d’uniformisation des pratiques telle qu’elle soutenue par l’AFNOR et la commission européenne. 

Pierre Rabhi parle très bien de notre capacité à changer les choses à notre niveau dans son ouvrage « la part du colibri ». Et bien en innovation c’est la même chose. Les petites innovations du quotidien nous permettent d’être en mouvement et d’améliorer de manière globale, petit a petit, notre condition. Et un jour l’innovation de rupture se présentera et nous serons prêts au changement

Pour répondre à vos question, au delà des problèmes de mono-culture de l’innovation, les entreprises ont des difficultés à innover car nous n’avons pas de vraie politique « régulatrice » d’innovation participative qui permette de tirer profit de la diversité des initiatives innovantes et qui permette de se répartir les efforts et les risques. Enfin la vraie question c’est plutôt pourquoi avons-nous surtout du mal à innover en innovation ? Et bien par ce que l’innovation est devenu un business avec beaucoup d’acteurs qui vivent sur ce créneaux et que l’on oublie trop souvent ses finalités : des résultats favorisant le développement économique ET social. 

En quoi l’innovation et la RSE sont liées ? 

La RSE et l’innovation sont inter reliés. En effet mes travaux ont démontré que « plus on est contraint, plus on est innovant ». Cette thèse n’est valable que si nous acceptons de voir les vraies contraintes. Or Innover c’est la capacité à apporter quelque chose de nouveaux dans un domaine, qui créé de la valeur et qui est socialisé. Ainsi la RSE permet de définir de manière assez précise tous les axes de création de valeur (les contraintes) que l’entreprise peut exploiter si elle souhaite attendre une performance globale en adéquation avec ses valeurs. Ainsi la RSE et les objectifs qu’elle préconise permettent d’élaborer des stratégies et des projets d’innovation très précis. Et inversement pour répondre aux enjeux de la RSE nous sommes souvent obligés d’innover et de s’appuyer sur les pratiques du management de l’innovation pour produire les résultats adéquats.

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