THIERRY GAUDIN : 

EXPERT INTERNATIONAL (OCDE, COMMISSION EUROPÉENNE, BANQUE MONDIALE) 

 

 

 

 

 

 

Le 13/02/2012

Thierry Gaudin, vous êtes Expert international (OCDE, Commission Européenne, Banque Mondiale) en politique d’innovation d’une part , en prospective d’autre part et auteur de nombreux ouvrages, Dans cet itw en amont des thématiques abordées à Marseille le 23 février lors de la soirée de remise des trophées à la quelle vous serez notre invité exceptionnel, vous nous dites quelques mots de l’association « prospective 2100 que vous présidez, si la France peut aller vers les enjeux de demain, et vous nous citez 4 innovations qui vont changer le monde. 

 

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 Quelques mots sur Thierry Gaudin… 

Thierry Gaudin – Président-fondateur de Prospective 2100, Thierry Gaudin est ingénieur Général des Mines, Docteur es Sciences de l’information et de la communication de l’université de Paris X Nanterre ses travaux de thèse portent sur « Innovation et prospective : la pensée anticipatrice ». Expert international (OCDE, Commission Européenne, Banque Mondiale) en politique d’innovation d’une part et en prospective d’autre part, il débute sa carrière en 1965 dans la Région du Nord-Pas de Calais, où il est, durant 5 ans, chargé des questions industrielles et de recherche auprès du Préfet de Région. De 1971 à 1981, il est responsable de la construction d’une politique d’innovation au Ministère français de l’Industrie : Capital Risque, constitution des Agences Régionales d’Information Scientifique et Technique, Salon Innova, mise en place d’enseignements du Design, Réseaux régionaux recherche-industrie, réforme de l’ANVAR (Agence Nationale de VAlorisation de la Recherche)… Il passe ensuite 10 ans (1982-1992) au Ministère de la Recherche et de la Technologie où il fonde et dirige le Centre de Prospective et d’Évaluation qui consiste en de la veille technologique internationale, de l’évaluation de l’efficacité des recherches et de grands programmes technologiques, et l’élaboration d’une prospective mondiale du siècle prochain. En 1993, il fonde Prospective 2100, association internationale ayant pour objectif de préparer des programmes planétaires pour le XXIème siècle. 

Thierry Gaudin est également l’auteur de plusieurs ouvrages, dont, sont principalement connus en France : 

L’ Écoute des silences, les institutions contre l’innovation publié en 1978 aux éditions UGE. 

2100, Récit du prochain siècle publié en 1993 aux éditions Payot. 

Et dernièrement de « Pour une société meilleure » avec Stephane Hessel, Susan George et André Orléans. 

Qu’est ce que la Prospective ? 

Chacun prend ses décisions selon sa vision personnelle du futur, souvent instinctive et même implicite. La prospective ne consiste pas à prévoir, mais à travailler les représentations que l’on se fait de l’avenir, à la lumière de la raison, en utilisant les données objectives disponibles. Ainsi, la construction de visions claires et objectives peut servir de base à des décisions plus efficaces et mieux comprises de ceux qui les appliquent. Dans les entreprises, par exemple, il arrive souvent que les différents services travaillent avec des visions de l’avenir différentes, ce qui engendre des comportements incohérents. Il est donc particulièrement utile de prendre le temps d’élaborer une vision commune. 

Vous êtes président de l’association « Prospective 2100 », quelle est sa raison d’être ? 

Prospective 2100″ est une association à but non lucratif créée en 1995 dont l’objet est de promouvoir la prospective auprès des décideurs. 

Une grande étude, qui avait mobilisé plusieurs centaines de chercheurs a été publiée en 1990 sous le titre « 2100, récit du prochain siècle » (éditions Payot), avec le soutien du Ministère de la Recherche. 

Elle prévoit une rupture systémique pendant le premier quart du 21ème siècle. Cette rupture serait une mutation de civilisation, le passage de l’ère industrielle, appuyée sur les matériaux et l’énergie, à la civilisation cognitive, structurée par les technologies de l’information et confrontée à un inquiétant déséquilibre écologique. Dans un tel contexte, la prospective apparaît comme une nécessité vitale pour adapter au nouveau contexte la manière de penser les civilisations 

Qu’est ce qui manque à la France pour aller vers les innovations de demain ? 

Dans les années 70, nous étions les premiers au niveau des photopiles (piles solaires) maintenant nous les importons de Chine depuis une ville qui est dédiée à l’énergie solaire. En France nous avions d’excellentes entreprises dédiées à l’éolien ou au solaire qui se retrouvent maintenant en Chine. Des opportunités de prendre des places prédominantes ont été manquées.

Nous avons un fossé qui existe entre l’excellence de nos chercheurs et les moyens mis en place pour développer leurs innovations. C’est me semble-t-il surtout dû à la lourdeur des formalités et aux comportements de financiers, qu’ils soient publics ou privés. Faute de comprendre la technique, ils croient plus sûr de miser sur les grandes entreprises. Or, l’innovation naît presque toujours dans de petites unités. 

Les secteurs forts sur laquelle la France est néanmoins bien placée sont par exemple les industries du luxe, le tourisme, les industries culturelles. 

Si vous aviez à citer les innovations qui vont changer le monde ? 

Internet :

transforme les relations entre le client et les fournisseurs, la manière de vendre ou d’acheter. Il n’ y a plus le besoin de se déplacer pour voir un objet, tout peut se faire à distance. Cela révolutionne à la fois les codes de la vente et de l’achat, et le marché publicitaire. Internet demande à de nombreux secteurs de revoir leur modèle économique (la musique, le cinéma, l’art en général mais aussi le recrutement) et pose de nombreux problèmes :  

Qui gouverne l’Internet et qui est susceptible de le gouverner en 2020 ou 30 ? et comment peut s’organiser la gouvernance de l’Internet dans un monde multipolaire? 

La cyber-guerre va-t-elle structurer les relations internationales comme l’a fait la guerre froide pendant des décennies ? 

La protection de la vie privée et la liberté d’expression vont-elles devenir des valeurs universelles ou au contraire disparaître dans un nouvel ordre numérique mondial ? 

Allons-nous vers une société de partage et de créativité ou vers un empire de surveillance et de contrôle des esprits ? 

Une conscience mondiale peut-elle émerger des réseaux et permettre à l’humanité de surmonter les défis climatique, alimentaire et énergétique ? 

Métrologie du quotidien 

Chacun doit pouvoir évaluer, dans la vie quotidienne, l’état de sa santé et de son environnement. La métrologie vient aider la connaissance de soi et de la Nature, en lui fournissant des repères et des moyens de vérification. Les instruments adéquats et portables pour mesurer la qualité de l’eau, de l’air, des aliments, l’état de son corps (auto-analyse), celle aussi des plantes et des animaux devraient déjà être à la disposition du public. De la sorte, la responsabilité de la vie serait répartie entre tous, chacun étant le gardien de son jardin et de lui-même. A plus grande échelle, on sent le besoin de réseaux mondiaux d’analyse, d’essais et de métrologie industrielle, de télésurveillance de l’environnement par satellite, dont les résultats soient accessibles à tous. 

Le droit de chacun à l’information sur ce qu’il mange, ce qu’il respire, et tous les produits qu’on lui vend, et aussi à l’information sur l’information commence à s’exercer. Le contre pouvoir de la société civile monte en puissance, le mouvement des « indignés », maintenant devenu mondial, en est l’expression. Plus généralement, l’influence des institutions qui ne sont ni des entreprises, ni des États mais des ONG présentes par la volonté du public s’accroît. Ce sont ces ONG qui rappellent aux entreprises qu’elles ont une fonction sociale, environnementale, et sociétale La responsabilité des entreprises est déjà mise en question par le public et les services judiciaires. La norme ISO 26000, maintenant acceptée sur tous les continents exprime cette évolution. 

Monnaies régionales 

Alors que, pendant les années 80, il n’y avait que quelques monnaies non étatiques comme le WIR créé par des entreprises en Suisse après la crise de 1929, il y en a maintenant plusieurs milliers. Certaines sont orientées par des objectifs sociaux : les soins aux personnes âgées au Japon, l’enseignement mutuel au Brésil, l’entretien d’une ville en Belgique, les relations des étudiants avec les services sociaux à l’université du Kansas… 

D’autres, tels les SEL (systèmes d’échanges locaux), ont pour effet de créer des coopérations de proximité, donc de renforcer les solidarités. Les organisations ayant une bonne connaissance des attentes locales sont en effet plus à même de remplir des missions sociales comme l’assistance aux enfants, aux personnes âgées, aux sans emploi… Elles militent pour que les initiatives de portée européenne et étatique soient soutenues par des initiatives régionales, et notamment par l’introduction de monnaies régionales. Ce modèle de développement concret, plus humain, offre une alternative à la forme actuelle de mondialisation, et permet d’espérer répondre autrement aux attentes légitimes des milliards d’hommes qui, actuellement, n’en subissent que les conséquences négatives. 

Pour en savoir plus : www.2100.org