JOHANNA DURAND :
ENSEIGNANTE À L’UNIVERSITÉ DE LA MÉDITERRANÉE / CONSULTANTE AMNYOS
Le 14/09/2011
Johanna Durand. vous enseignez à l’Université de la Méditerranée la thématique de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en GRH, vous êtes Consultante Amnyos sur la relation Formation-Emploi – spécialisation Égalité entre les femmes et les hommes et dans cette interview, vous nous faites part des constats concernant la carrière des femmes dans l’entreprise, des nouvelles obligations légales concernant l’égalité professionnelle du 7 juillet 2011 et comment faire de ces obligations légales un atout pour l’entreprise

Johanna Durand, après 5 années passées au Laboratoire d’Économie et de Sociologie du Travail à Aix-en-Provence, vous enseignez à l’Université de la Méditerranée la thématique de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en GRH et vous venez d’être recrutée par le cabinet Amnyos en tant que consultante sur la relation Formation-Emploi – spécialisation Égalité entre les femmes et les hommes.
Quel est le constat concernant la situation des femmes sur le marché du travail ?
L’inégalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur le marché du travail ne relève pas du cliché ou de l’idéologie : c’est un fait.
Plusieurs constats peuvent être dressés :
L’activité des femmes augmente. En 1975, seules 60% des femmes de 25 à 49 ans étaient actives contre 97% des hommes du même âge. En 2009, ce sont 84% des femmes de cet âge contre 95% des hommes (données de l’INSEE).
Ainsi, le taux d’activité des femmes augmente… mais ce constat doit être nuancé ! Si les femmes travaillent plus aujourd’hui, la nature de l’emploi occupé diffère de celle de l’emploi occupé par les hommes. La différence entre les deux sexes se fait moins sur le taux de chômage (environ 9,9% des femmes actives étaient au chômage au premier trimestre 2011, contre 8,6% des hommes actifs) que sur le temps partiel, ou encore le sous-emploi.
Les carrières des femmes. Dans les organisations, qu’elles soient privées ou publiques, les femmes n’accèdent quasiment pas au sommet des entreprises. Ainsi, plus de 8 femmes sur 10 sont employées, ouvrières ou occupent des professions intermédiaires. Elles atteignent rarement les postes à responsabilité à cause d’un ensemble de barrières invisibles fondées sur des stéréotypes et des préjugés. C’est ce que l’on appelle le plafond de verre. En France, en 2007, les femmes représentent 26,7% des cadres à temps complet dans les secteurs privés et semi-publics confondus et, en 2009, elles ne sont que 10,5% dans les conseils d’administration (source : INSEE, DADS).
Rappelons ici, que la loi du 27 octobre 2010 adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale le 20 janvier 2010 instaure de manière progressive des quotas pour aller vers la féminisation des instances dirigeantes des grandes entreprises (40% de femmes dans les Conseils d’Administration des 650 entreprises cotées et publiques d’ici 2016).
Voir l’ouvrage de Julia Santi (2011), En Vies de Femmes. Regards sur l’emploi. Portraits d’entrepreneuses, Gramond, Coll. Instants de vie, 144p.
Quelle conséquence sur les salaires ?
Ces mécanismes (temps partiel, sous-emploi, ségrégation sectorielle et difficulté d’accès aux postes à responsabilité) expliquent la concentration de l’emploi des femmes sur des postes et dans des secteurs moins rémunérateurs que ceux des hommes. En conséquence, les salaires des femmes sont inférieurs de 27% à ceux des hommes d’après les données 2006 de la DARES. Cependant, cet écart de salaire s’explique en grande partie par la différence de temps de travail… Néanmoins, si l’on prend en compte uniquement les salaires des travailleurs à temps complet, dans le secteur privé ou semi-public, le salaire net annuel moyen d’une femme, en 2008, reste inférieur de 19,2% à celui d’un homme.
Qu’est-ce que l’égalité professionnelle ?
L’Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes s’identifie à l’égalité de traitement au moment de l’embauche, de la rupture du contrat de travail, en matière d’accès à la formation professionnelle, de rémunération, de promotion et de gestion de carrière. De ce fait, il ne faut pas confondre l’égalité avec les notions de mixité et de parité. Un groupe est mixte quand la catégorie sous-représentée constitue au moins 30% des effectifs. En outre, la parité est une répartition numéraire égale entre les femmes et les hommes dans leur représentation au sein des responsabilités de la vie sociale, professionnelle et politique. Ainsi, la mixité et la parité sont des outils pour parvenir à l’Égalité.
Comment expliquer ces inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail ?
Pour comprendre ces différences de traitement, il faut prendre en compte le poids des stéréotypes de genre et celui de la construction sociale des rôles entre les femmes et les hommes. En outre, il ne faut pas confondre le sexe et le genre. Le sexe (femme – homme) fait référence aux caractères biologiques alors que le genre (féminin – masculin) fait référence aux caractères socialement construits.
Qu’est-ce que le genre ?
La société construit en nous, à notre naissance, une idée des caractéristiques de notre sexe. Cette construction sociale autour du sexe est ce que nous appelons le genre.
Le genre fait référence à la répartition des rôles masculins et féminins dans une société, à un moment donné. Cette répartition contribue à la construction sociale de la masculinité et de la féminité. (Source : catalogue collectif sur les femmes et le genre des Universités de Toulouse et de Lyon).
Quelles sont les dernières obligations légales et réglementaires concernant l’égalité professionnelle ?
Suite à l’article 99 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, il est nécessaire d’appliquer le décret n° 2011-822 du 7 juillet 2011 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Avec ce décret, les entreprises d’au moins 50 salariés seront soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne seront pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle ;
Le montant de cette pénalité sera fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise ne sera pas couverte par l’accord ou le plan d’action, dans les conditions fixées par l’article R. 2242-7 du code du travail
Les dispositions mentionnées ci-dessus, codifiées à l’article L. 2242-5-1 du code du travail, entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2012. Pour les entreprises couvertes par un accord ou, à défaut, par un plan d’action tel que défini par cet article, à la date du 10 novembre 2010, elles entreront en vigueur à l’échéance de l’accord ou, à défaut d’accord, à l’échéance du plan d’action.
Pour plus d’information, consulter le site www.solidarite.gouv.fr
La délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité Provence-Alpes-Côte-D’azur (04 84 35 45 50) propose un accompagnement ou des aides aux entreprises dans le cadre de la politique mise en place par le gouvernement.
Comment faire de ces obligations légales un atout pour l’entreprise ?
Ainsi, pour faire face à un certain nombre d’enjeux, les entreprises peuvent s’inscrire dans une démarche d’Égalité professionnelle. En effet, adopter une stratégie d’Égalité professionnelle permet de faire face à des difficultés de recrutement (faire face à une crise de ressources), de répondre aux enjeux du développement durable et de responsabilité sociale des entreprises, de concilier les temps de vie professionnels et personnels, de faire face à un enjeu concurrentiel avec la fidélisation des potentiels et l’attractivité de nouveau talents (féminins et masculins) et enfin, de répondre aux textes législatifs et réglementaires.
Les entreprises peuvent être accompagnées dans cette démarche (saisie du rapport de situation comparée, élaboration de plan d’action Égalité, négociation d’accords, obtention du Label Égalité,…) par différents organismes publics et privés.
Pour plus d’information, contacter Johanna Durand / johanna.durand@amnyos.com / www.amnyos.com